Bras de fer États-Unis - Russie : l’Afrique refuse de prendre des coups
Par Clément Airault - © AFP - ANDREW HARNIK

À la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine fin février, les États-Unis ont rapidement engagé des mesures coercitives, visant notamment à priver Moscou de technologies et de capitaux. Ces sanctions ne suffisant pas, d’autres actions ont été initiées par l’administration Biden, avec l’objectif d’affaiblir l’influence et les activités de la Russie dans le monde, et principalement en Afrique.
Alors que ces dernières années, la Russie a fortement renforcé sa présence sur le continent, la Chambre des représentants américaine a adopté à la quasi-unanimité, le 27 avril, le « Countering Malign Russian Activities in Africa Act » (loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique). Le projet de loi définit comme « malveillante » toute activité sapant les objectifs et intérêts des États-Unis. Les actions du gouvernement russe et de ses mandataires (en particulier la société militaire privée Wagner) sont dans le collimateur des autorités américaines. Le 29 avril, le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, l’élu démocrate de New York Gregory Meeks, a déclaré que le projet de loi servait à contrecarrer les efforts du Président russe Vladimir Poutine visant à « piller, manipuler et exploiter les ressources dans certaines parties de l’Afrique pour échapper aux sanctions et saper les intérêts américains ».
Bien que Washington affirme que ce projet de loi est favorable à l’Afrique, en ce sens qu’il protège les États fragiles du continent de la mainmise de Moscou et de ses mercenaires, nombre de pays africains se sentent punis. Le 3 mars, 17 États du continent se sont abstenus de soutenir la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant « l’agression » de la Russie contre l’Ukraine (27 ont voté pour, l’Érythrée a voté contre, et les autres étaient absents). Les autorités américaines y ont vu un alignement sur la position russe, preuve s’il en fallait de l’influence croissante de Moscou en Afrique. En 2021, déjà, Washington avait publié une liste de 20 pays considérés comme étant sous influence russe.
Les États africains sont inquiets des applications de cette loi, qui pourrait avoir un impact sur le versement des aides au développement américaines, ou les faire tomber sous le coup de possibles sanctions commerciales. Nombreux sont ceux qui y voient une négation de leur souveraineté, et qui craignent d’être victimes des rivalités stratégiques mondiales.
Certains ne manquent pas de le faire savoir. Le 8 août, la Ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Naledi Pandor, a sèchement interpellé le Secrétaire d’État américain Anthony Blinken, en déplacement dans le pays : « L’Afrique du Sud ne se laissera pas intimider si certains pays font pression pour qu’elle prenne parti dans la guerre actuelle entre la Russie et l’Ukraine», a-t-elle déclaré, faisant implicitement allusion au « Countering Malign Russian Activities in Africa Act».
L’Afrique est bel et bien présente sur l’échiquier diplomatique et économique, au cœur des grands enjeux stratégiques de la planète.