Diplomatie économique - Quand les ambassadeurs prêtent main-forte aux entrepreneurs
Le gouvernement français souhaite favoriser le développement des PME et start-up françaises à l’international, et rendre le pays plus attractif. Ce souhait s’est entre autres matérialisé par la mise en place de dispositifs visant à renforcer la relation entre les hauts fonctionnaires de l’État et les entrepreneurs.
Par Flore Thumm- © AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT

« La diplomatie traditionnelle a depuis quelques décennies été éclipsée par la diplomatie économique. Les stratégies des États ne reposent plus sur l’expansion territoriale, mais sur la conquête de nouveaux marchés et de débouchés pour leurs entreprises »,affirme Romain Gelin, chercheur au sein du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (Gresea) dans un article publié en décembre 2016. Pour lui, la notion de diplomatie s’applique à de nouveaux types d’acteurs qui entrent dans le jeu des relations internationales, comme des organisations économiques multilatérales telles que l’Union européenne. Mais chaque pays garde un certain nombre de prérogatives, voire peut parfois contourner des règles communautaires. C’est donc surtout au niveau national que la stratégie s’établit.
Pour la France, les objectifs en termes de diplomatie économique sont bien fixés, et sont au nombre de trois. On peut les découvrir sur le site de l’ambassade de France en Éthiopie. Cette diplomatie a pour buts de soutenir les entreprises nationales sur les marchés extérieurs, d’attirer les investissements étrangers, ainsi que d’adapter au mieux les cadres de régulation européen et international aux intérêts économiques défensifs et offensifs français. Dans la poursuite de ces objectifs, le gouvernement ne ménage pas ses efforts. Le 23 février, à Roubaix, Édouard Philippe a annoncé les grandes lignes de la réforme du dispositif de soutien à l’internationalisation des entreprises, qui sera mise en œuvre par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Par exemple, une plus grande proximité sera assurée sur le terrain pour l’accès aux financements publics à l’international, ou encore sera créé un dispositif d’accompagnement à l’export plus lisible et plus efficace grâce à un guichet unique.Outre le rôle que jouent les différents ministères, le Chef de l’État compte beaucoup sur les ambassadeurs pour booster les entreprises françaises.
OBJECTIF : L’INTERNATIONALISATION DES ENTREPRISES
De nombreux leviers ont été mis en place afin de renforcer la coopération entre entrepreneurs et ambassadeurs. En 2012, un plan d’action pour la diplomatie économique a été élaboré, à l’occasion de la Conférence des ambassadeurs. Le premier de ses dix axes était la création d’une nouvelle Direction des entreprises et de l’économie internationale (DEEI). Rattachée au ministère des Affaires étrangères, elle a vu le jour le 1ermars 2013 sous l’impulsion du Ministre Laurent Fabius. Des diplomates ont, grâce à ce dispositif, pu favoriser les contacts des entrepreneurs avec le réseau diplomatique. Par la suite, d’autres initiatives ont été prises. Par exemple, l’évènement « Rencontres Quai d’Orsay - entreprises », le plus grand jamais initié par le ministère en faveur du secteur privé, a été lancé en 2013. Il a compté près de 700 participants cette année-là.
Aujourd’hui, le gouvernement souhaite persévérer dans cette voie. Sur le compte Twitter de France Diplomatie, l’objectif du gouvernement est annoncé : 200 000 entreprises françaises exportatrices d’ici 2020. Les ambassades françaises, implantées dans 163 pays, sont perçues comme des portes d’entrée pour nos exportations. La France compte bien rattraper son retard en la matière face à des pays comme l’Italie ou l’Allemagne. Pour Sophie Guichard, cogérante de la société Expansio, interviewée en avril par La Tribune, 128 000 entreprises françaises exporteraient actuellement des biens à l’étranger, dont environ 23 % de nouvelles entreprises qui se développent à l’export. Elle ajoute que l’Europe reste un débouché majeur pour celles-ci.
LE RENFORCEMENT DU RÔLE DES AMBASSADEURS
« Notre attractivité s’améliore, mais il nous faut nous mobiliser bien davantage pour nos exportations.[…]Nousdevons notamment axer notre action collective sur une stratégie export pour les entreprises de taille intermédiaire comme les petites et moyennes entreprises qui seule réduira notre déficit commercial », a déclaré Emmanuel Macronlors de la Conférence des ambassadeurs, qui s’est tenue au Quai d’Orsay le 28 août. En effet, si les grandes entreprises accèdent globalement assez facilement aux réseaux diplomatiques, le Président de la République souhaite que les Entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les Petites et moyennes entreprises(PME) françaises aient également cette chance.
Il appelle d’autant plus les ambassadeurs à se mobiliser que le contexte géopolitique mondial est en pleine mutation, notamment en raison des restructurations d’alliances dans le monde. Il fait d’ailleurs référence dans son discours à l’attitude isolationniste des États-Unis, au Brexit, ainsi qu’aux transformations démographiques, écologiques, environnementales et techniques qui touchent le monde actuellement. Édouard Philippe quant à lui a cité, lors de la même occasion, la hausse du prix du pétrole et des actions, ou encore l’obligation pour des centaines d’entreprises hexagonales de se retirer d’Iran en raison des pressions exercées par le Président américain.
Face à tous ces bouleversements, la position du gouvernement est claire : les ambassadeurs doivent adapter leur stratégie au contexte contemporain. « On ne peut plus se contenter de suivre les évolutions politiques ou les déclarations des acteurs traditionnels sans essayer de mieux décrypter les identités profondes, les forces qui sont à l’œuvre et déterminent le cours des choses dans de nombreux pays », a déclaré le Président. Le rôle des ambassadeurs est donc essentiel, et ce particulièrement en termes de connaissance du pays visé.
CONFÉRENCE DES AMBASSADEURS 2018
La Conférence des ambassadeurs s’est déroulée du 27 au 31 août, sous le thème « Alliances, valeurs et intérêts dans le monde d’aujourd’hui ». Pendant quatre jours, les ambassadeurs français venus du monde entier se sont rassemblés pour participer à des tables rondes. L’initiative vient de Pascal Boniface, fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Les plus hautes autorités du pays ont pu à cette occasion présenter les orientations qui guideront le travail des représentants de France à l’étranger. De plus, chaque année, un rendez-vous entre ambassadeurs, entrepreneurs et régions est organisé, sous le nom de « 1 Ambassadeur – 1 Entrepreneur – 1 Région ».
Différents partenaires à l’export sont par ailleurs mobilisés pour cette journée. En 2018, on a noté la présence de l’Agence française de développement (AFD), Business France, la Banque publique d’investissement (BPI) France ou encore le Mouvement des entreprises de France (Medef), pour ne citer que ceux-là. L’évènement, qui s’apparente à un speed datingéconomique, s’est déroulé le 27 août. Il a consisté en des entretiens de 15 minutes agencés au bénéfice de 400 entrepreneurs, qui ont pu dialoguer de manière personnalisée avec 172 ambassadeurs. Qu’ils soient dirigeants de TPE, PME, start-up ou ETI françaises, ils s’étaient inscrits dès le mois de mai pour participer à cette journée. Ils ont fait part à leurs interlocuteurs de leurs projets à l’international, et ont obtenu des informations sur les opportunités de croissance dans les pays visés. Ils ont également eu l’opportunité de discuter des difficultés éventuelles rencontrées sur certains marchés, et bénéficier de l’appui des services des ambassades et opérateurs.
Une nouveauté est apparue cette année : l’immersion directe des ambassadeurs dans les territoires métropolitains français. Ce à la demande du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangère Jean-Yves Le Drian. Le 31 août, 112 ambassadeurs se sont ainsi déplacés en régions pour clôturer la Conférence. Parmi eux, 13 se sont rendus en Provence - Alpes - Côte-d’Azur. Ils se sont vu présenter le concept du campus d’innovation dédié à la ville de demain et aux nouvelles technologies, TheCamp,fondé par quatre étrangers venus investir en Provence. « La diplomatie est en mutation. Elle ne réside plus uniquement à Paris, et les régions aussi ont des choses à dire »,a lancé à cette occasion Xavier Driencourt, ambassadeur en Algérie, aux journalistes du média régional GoMet’.