Diplomatie régionale - Coopérer pour le développement
Madagascar a fait de la coopération régionale l’un des piliers de sa diplomatie, sur le plan économique. La Grande Île fait figure de leader, et défend farouchement l’intégration régionale.
Par Stanislas Gaissudens - © Shutterstock - Naruedom Yaempongsa

Madagascar est devenue au fil des ans un interlocuteur incontournable dans la sous-région. La coopération régionale constitue l’un des piliers de sa diplomatie économique. Le ministère des Affaires étrangères, au travers de la Direction de l’intégration régionale, joue un rôle majeur dans la mise en œuvre de la politique étrangère du pays en la matière, avec un objectif : optimiser l’appartenance de l’île aux groupements régionaux que sont l’Union africaine (Madagascar en est un membre fondateur), le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), l’Indian Ocean Rim Association (IORA), la Commission de l’océan Indien (COI) ou encore la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA, ou SADC en anglais) – elle est très active au sein de ces deux derniers groupes.
Priorités géographiques
La question de l’intégration régionale et continentale passionne les Malgaches. Pour preuve, le débat organisé début juin 2018 à l’hôtel Carlton sur le sujet a fait salle comble. À voir les performances économiques de certains pays d’Afrique, l’idée d’un renforcement de la coopération africaine n’est pas dénuée de sens, d’autant plus que le continent représente un marché de plus d’un milliard de consommateurs. À ce jour, les échanges avec les autres pays de la région restent presque nuls. Un exemple illustre parfaitement les lacunes à ce sujet : l’Afrique du Sud, pourtant proche géographiquement, importe une grande partie de sa consommation de vanille d’Indonésie. Voilà qui pourrait constituer un marché d’avenir pour Madagascar, dont la production de cette denrée est de qualité. Encore faut-il que le pays rejoigne la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) ; car bien que des négociations soient en cours, la Grande Île ne semble pas encore prête à renforcer son intégration continentale.
Pourtant, les exportations malgaches à destination du Comesa ont augmenté de 36 % en 2017 par rapport à l’année précédente, atteignant 106 millions de dollars. Dans le même temps, les importations malgaches ont progressé de 21 %. L’accueil à Madagascar du 19esommet du Comesa, du 10 au 19 octobre 2016, sur le thème « Pour une industrialisation inclusive et durable », a sans doute porté ses fruits. Le renforcement de l’industrialisation est en effet essentiel au développement des économies de la région. Le Président malgache Hery Rajaonarimampianina avait mis l’accent, dans son discours de clôture, sur la nécessité de l’intensification des échanges, en particulier en ce qui concerne les produits agricoles transformés.
Par ailleurs, Madagascar compte parmi les pays membres fondateurs de la SADC, et bénéficie du soutien continuel de ses membres. « Nous sommes toujours là pour appuyer les institutions démocratiques de Madagascar », a déclaré Manuel Domingos Augusto, Ministre des Relations extérieures de la République d’Angola et chef de la délégation de la SADC qui s’est rendue sur l’île lors de la récente crise politique.
Mais c’est surtout vers l’océan Indien que Madagascar intensifie sa coopération. « L’insularité, les profils économiques contrastés des pays membres, l’étroitesse des marchés intérieurs, l’appartenance à plusieurs communautés économiques sont autant de problématiques sur lesquelles la COI doit se pencher pour créer un espace économique et commercial indianocéanique compétitif et de développement durable », résume le site internet de la COI.
Pragmatisme
Si Madagascar tend vers plus d’intégration régionale, c’est bien pour renforcer son économie. Sur la période 2013-2016 (et encore aujourd’hui), la COI a décidé de prioriser trois domaines phares d’intervention : l’accessibilité et la connectivité régionales, la sécurité alimentaire régionale, la culture et les médias. Madagascar s’est donc engagée pleinement sur cette voie.
Le Comité stratégique des compagnies aériennes, réuni sous l’égide de la COI les 3 et 4 mars 2015 à Plaisance (Maurice), a posé les bases d’un dispositif de coopération multilatérale entre les compagnies aériennes basées dans la zone de l’océan Indien. Les représentants d’Air Madagascar, la compagnie nationale qui entend devenir la référence sur le marché de l’océan Indien, étaient présents lors de cette réunion. Ils ont souhaité élaborer un cadre de coopération multilatérale pour une amélioration de la desserte aérienne régionale à court et moyen termes, cherchant à « définir les modalités d’une coopération poussée entre les administrations de l’aviation civile dans l’optique de créer un ciel plus ouvert et plus compétitif ». Malheureusement, trois ans plus tard, force est de constater que le dossier a peu évolué.
C’est également pour œuvrer à plus de compétitivité que les huit opérateurs de télécommunications des pays membres de la COI ont lancé le projet MElting poT Indianoceanic Submarine System (Metiss), présenté en décembre 2016 aux membres de la COI. Sur ce point, les travaux ont bien avancé. Le contrat de construction de cet ouvrage a été attribué aux sociétés Alcatel Submarine Networks (ASN) et Elettra TLC, filiale du groupe Orange, le 1erfévrier 2018, et le projet sera opérationnel d’ici 2019.
Questions maritimes
La mer est sans aucun doute le premier vecteur de coopération régionale entre Madagascar et ses voisins océaniques. La Grande Île héberge le Centre régional de fusion d’information maritime (CRFIM). Ce dernier a pour vocation de collecter des informations sur les circulations maritimes civile, commerciale, militaire ou même criminelle dans la zone de l’océan Indien, allant de la corne de l’Afrique jusqu’aux environs de Singapour. Un accord régional de mise en place d’un mécanisme d’échange et de partage de l’information maritime dans l’océan Indien occidental (entre Djibouti, Madagascar, Maurice, l’Union des Comores et les Seychelles) a d’ailleurs été signé le 29 avril 2018, lors de la Conférence ministérielle sur la sécurité et sûreté maritime organisée à Maurice.
Outre la sécurité en mer, l’économie bleue constitue un terrain de collaboration majeur entre les différents pays de la COI. La pêche est l’un des premiers moteurs de la croissance économique, et est pourvoyeuse d’emplois. La COI a établi une stratégie spécifique sur le sujet pour la période 2015-2020. Ses membres ont l’ambition de se fédérer autour d’une politique ambitieuse reposant, entre autres, sur la mutualisation des moyens. Un Programme régional de surveillance des pêches a été établi, financé par l’Union européenne. Et Madagascar en est le fer de lance… Un nouveau plan, destiné à préserver plus encore la ressource halieutique, est en cours d’élaboration. Ce point a été évoqué le 19 avril dernier lors de la rencontre entre le Président Hery Rajaonarimampianina et le secrétaire général de la COI Hamada Madi.
Ces derniers ont également évoqué la Conférence ministérielle de sécurité alimentaire qui s’est tenue à Antananarivo les 16, 17 et 18 mai. Cet évènement a marqué le point de départ de la mise en œuvre du Programme régional de sécurité alimentaire et nutritionnelle (Presan). Car au-delà de toutes les préoccupations politiques, la coopération régionale est le meilleur moyen d’atteindre la sécurité alimentaire. L’un des objectifs de la COI consiste en effet à accroître le niveau de vie des populations par la valorisation des ressources marines et côtières et la promotion d’un développement socioéconomique respectueux de l’environnement. C’est également l’objectif de Madagascar.