Entretien avec Jacques Ulrich Andriantiana, Ministre des Travaux publics et des Infrastructures
Dans la vision de développement à horizon 2030 initiée par le Président sortant, les infrastructures occupent une place primordiale. Le Ministre en charge du secteur joue donc un rôle de premier ordre sur le chemin du développement.
Propos recueillis par Laurent Bouanich - © DR

L’Essentiel des relations internationales : Monsieur le Ministre, quel regard portez-vous sur le programme du Président Hery Rajaonarimampianina, et quelles sont vos préconisations pour mener la Grande Île sur le chemin de la renaissance et de l’émergence ?
Jacques Ulrich Andriantiana : Une vision est le support indispensable du processus de développement d’un pays. Cela implique des objectifs clairs, précis et objectivement vérifiables, à atteindre dans le temps et dans l’espace. Une vision qui sert de guide, de référence pour les décideurs, et oriente les politiques à adopter et les actions à entreprendre.
Le plan Fisandratana 2030 (« émergence et renaissance » en malgache, ndlr) est un programme phare du Président Rajaonarimampianina qui marque une volonté manifeste de doter Madagascar d’une réelle vision immédiate qui s’inscrit sur le long terme. Elle repose sur une ambition collective et intègre tous les acteurs du développement, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Elle sera notamment soutenue par un ambitieux programme d’infrastructures de transports, d’énergie et de télécommunications.
Il ne fait aucun doute que la mise en œuvre de ce plan permettra à Madagascar de poursuivre son chemin vers un développement soutenu et durable. Il va sans dire que sa mise en œuvre est indissociable des impératifs de stabilité, à tel point qu’aujourd’hui, on peut affirmer que la quête d’une telle stabilité est « le » défi majeur que doit relever notre pays.
Une stabilité institutionnelle, politique et sociale en est la condition sine qua non.
Le développement et la croissance économiques d’un pays comme Madagascar ne peuvent pas se décréter et s’accomplir en un jour. Il nous faut non seulement intégrer les agendas et autres objectifs internationaux – tels que les ODD et l’agenda 2030 –, mais aussi imprimer nos actions dans un élan collectif et solidaire.
Par conséquent, mes préconisations sont de contribuer d’une manière ou d’une autre à ce processus. Je reste confiant en l’avenir d’un Madagascar moderne où la priorité de tout un chacun est de mettre en œuvre des actions concrètes ayant un impact visible et direct sur toute la population ; où les mentalités auraient évolué et où le patriotisme économique animerait tous ses enfants. En un mot, je me retrouve dans la vision Fisandratana car c’est un appel à une mobilisation nationale pro-développement.
Comment comptez-vous soutenir cet élan présidentiel ?
Au risque de me répéter, cet élan du Président Hery Rajaonarimampianina doit nécessairement susciter un élan national, une adhésion collective. Chaque citoyen doit regarder dans la même direction et œuvrer pour les mêmes objectifs. Sans s’attarder sur des politiques politiciennes, au-delà de tout clivage. Notre diversité doit être le socle de notre richesse, et démocratie ne doit pas signifier anarchie.
En tant que membre du gouvernement, je ne suis qu’un maillon de la chaîne du développement, maillon certes essentiel mais qui ne pourra faire grand-chose sans la contribution de chaque gouvernant et chaque gouverné.
Mon premier objectif est de montrer que la politique est un instrument noble au service du développement et doit permettre à Madagascar de rattraper des décennies de retard en matière d’infrastructures.
Votre vœu est d’organiser une élection libre et transparente pour votre pays ; quels en sont les enjeux majeurs ?
Ce n’est pas qu’un vœu, c’est notre mandat premier en tant que gouvernement de consensus. Nous avons l’obligation de tenir une élection dans les temps impartis. La population et la communauté internationale sont exigeantes en ce sens, et nous allons relever le défi.
Les élections sont incontournables pour faire vivre la démocratie et rendre au peuple son pouvoir. C’est la meilleure voie d’expression politique. L’organisation de scrutins, libres, transparents et acceptés par tous, sera un gage de stabilité. Il s’agit d’un enjeu primordial pour Madagascar qui aborde bien souvent avec délicatesse les virages électoraux. Il ne faut pas oublier les périodes malheureuses qu’a traversées la Grande Île car l’histoire est l’âme d’un peuple : mise au ban de la communauté internationale, sanctionnée économiquement, avec une administration au ralenti, la fermeture d’entreprises, etc. Aujourd’hui, le pays est de nouveau sur le devant de la scène internationale, il a retrouvé sa place dans le concert des nations grâce aux efforts diplomatiques entrepris. La croissance est une réalité, le pays est en chantier : ports, aéroports, gares routières modernes, écoles, hôpitaux, routes, ponts et j’en passe... Les élections doivent être une occasion de consolider ces acquis.
Votre principal engagement concerne l’implication des jeunes dans la politique malgache. Comment comptez-vous procéder afin que la jeunesse puisse incarner les valeurs et les défis du Président Hery Rajaonarimampianina ?
La jeunesse compose la majeure partie de la population – environ 65 % ; il ne sera plus possible de ne pas tenir compte de ses opinions. Pour cela, il faudrait avant tout aller vers les jeunes, leur parler, être à l’écoute de leurs inquiétudes.
Au lieu de verser dans des promesses de solutions miraculeuses, malheureusement si fréquentes en période électorale, il serait plus réaliste de responsabiliser les jeunes et d’en faire les acteurs de la mise en œuvre du plan Fisandratana. Ici, je tiens à saluer le Président Hery Rajaonarimampianina car je pense que dans toute l’histoire récente de Madagascar, c’est lui qui a le plus donné leur chance aux jeunes. Dans les différents postes à responsabilité du pays, j’ai assisté durant son mandat à un rajeunissement, et de l’administration, et de la classe dirigeante. Par exemple sur une trentaine de ministres, dans les gouvernements successifs, il y a toujours une partie occupée par des jeunes de moins de 45 ans, il y a même des trentenaires. C’est visible et c’est concret. Cette attention aux jeunes est sûrement due à son expérience de professeur d’université et son caractère de ray aman-dreny – ce qui signifie « parent », avec un sens profond de référence morale.
Une jeunesse qui s’approprie les fondamentaux de ce plan de développement adhèrera aux valeurs d’une véritable unité nationale et d’un sentiment d’appartenance à une nation réformée.
Quelles valeur ajoutée apportez-vous pour le développement et la croissance de votre pays ?
J’ai eu la chance d’avoir un parcours professionnel extraordinaire. Les responsabilités qui m’ont été confiées m’ont permis d’acquérir une certaine expérience, que j’ai mise et mettrai d’une manière constante au service de mon pays. Ce serait trop prétentieux de dire qu’à l’échelle d’un pays, une seule personne peut changer les paradigmes. C’est l’ensemble de la population qui est à même d’induire le changement. Aucune des forces vives de la nation ne peut être négligée. Le travail qui nous attend pour développer le pays est immense, mais je pense, je suis sûr qu’ensemble nous pouvons faire beaucoup de choses, faire bouger les lignes et induire un processus de développement intégré.
Ma seule valeur ajoutée, c’est mon état d’esprit. Je ne recule ni devant la difficulté ni devant les critiques, et j’avance en cohérence avec mes convictions. Je suis optimiste et positif.
Quels sont les réalisations et les résultats tangibles depuis votre arrivée dans ce nouveau gouvernement ?
Le ministère des Travaux publics et des Infrastructures est investi d’une mission stratégique car le développement d’un pays est inconcevable sans infrastructures. Comme je l’ai souligné, la Grande Île accuse de nombreuses années de retard sur ce chapitre.
Concrètement, nous mettons en œuvre des « projets structurants ». Nous avons décidé, entre autres, de relancer l’exécution de nombreux travaux en souffrance, tels que la route Tsarasaotra-Ivato. Ce nouvel axe routier permettra de relier la capitale à l’aéroport international d’Ivato en moins de 30 minutes. Sur ce même plan de la dynamique urbaine, la pose de la première pierre des rocades Est et Nord-Est a été également effectuée. Antananarivo croît à une vitesse fulgurante et ce phénomène exige une réelle capacité d’anticipation.
Nous prévoyons aussi de lancer très prochainement les travaux de réhabilitation de rues de la capitale, telles que les routes nationales aux sorties d’Antananarivo. Je citerai également le lancement des travaux de réhabilitation de la RN 5A reliant Ambilobe à Vohémar. Cette route, qui relie la région Sava au reste de la Grande Île, a été laissée à l’abandon pendant des décennies, entraînant ainsi l’enclavement d’une zone à très fortes potentialités économiques.
Dans la perspective de faire de Madagascar une plaque tournante économique de l’océan Indien, des travaux de modernisation des aéroports d’Ivato et de Nosy Be avancent à grands pas.
Je bouscule mes collaborateurs, je négocie avec nos partenaires, je suis exigeant avec les entreprises, et je sens qu’il y a une réelle métamorphose. Ce n’est pas suffisant mais c’est important pour la conscience collective. Le Président Hery Rajaonarimampianina a accompli de grandes œuvres, il faut le reconnaître. C’est un grand homme, c’est un homme d’État exemplaire.
