Présidentielle américaine : Donald Trump et la stratégie du pire
Depuis qu’il est devenu le 45e Président des États-Unis d’Amérique en janvier 2017, Donald Trump n’a rien fait pour atténuer les tensions raciales et les divisions dans le pays. Il en a même fait le moteur de sa politique, qui pourrait mener à sa réélection en novembre prochain.
par Clément Airault © Shutterstock - Egorkeon

L’homme se définit comme « la personne la moins raciste du monde », et pourtant aucun président américain, fut-il républicain, n’avait autant fédéré d’électeurs xénophobes. En 2016, Donald Trump a remporté les primaires républicaines qui l’ont mené à la Maison-Blanche en s’appuyant sur la frange la plus conservatrice, raciste et intolérante de la population américaine. Un sondage réalisé en janvier 2016 par l’institut américain YouGov montrait que près de 20 % des électeurs trumpistes désapprouvaient que les esclaves des États du Sud aient été libérés à la fin de la guerre de Sécession. Donald Trump a réussi à rassembler derrière lui des suprémacistes blancs, des dévots anti-homosexuels et autres extrémistes de tout poil qui, loin de composer la majeure partie de son électorat, ont cependant été un maillon indispensable de son accession à la présidence, et pourraient l’être de nouveau en novembre. L’actuel Chef de l’État le sait, et en joue.
Jouer sur les peurs
Depuis ses déclarations à l’emporte-pièce sur les immigrants mexicains qui «apportent avec eux la drogue» et «sont des violeurs», ou encore sa menace de fermer les frontières aux musulmans, qu’il assimile aux terroristes, Donald Trump a placé les divisions raciales au cœur de sa stratégie politique. Il n’a eu de cesse, ces cinq dernières années, d’exploiter « l’insécurité identitaire » des classes moyennes inférieures blanches et non diplômées, de plus en plus précarisées. Dans les bassins ouvriers, le processus de désindustrialisation engagé dans les années 1970 s’est fortement accentué lors de la crise de 2007-2008. De nombreux salariés peu qualifiés se sont retrouvés sans emploi, et se sont vus exclus de la classe moyenne à laquelle ils appartenaient. Dans la population blanche, le malaise est perceptible. Nombreux sont ceux qui ont adhéré à la «lecture racialisée de leur situation», comme l’écrivait en 2016 Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire, dans un rapport de l’IFRI, «blâmant à la fois les immigrés qui tirent les salaires vers le bas et les minorités ethniques qu’ils considèrent comme assistées et sans mérite». Donald Trump a cherché à les mobiliser en accentuant volontairement la crise migratoire à la frontière et en insistant sur le visage multiethnique du Parti démocrate. En ce sens, il a repris les arguments du Tea Party, né dans le contexte de la crise économique en 2008-2010, qui prenait en compte « la menace perçue par les Blancs sur leur statut social dominant».
Black Lives Matter
Deux Amérique s’affrontent. Face au ressentiment d’une classe sociale blanche qui cherche des responsables à sa paupérisation, les afro-américains en souffrance ne tolèrent plus de voir leurs droits bafoués, et d’être des citoyens de seconde zone. Black Lives Matter (« la vie des Noirs compte ») : ce mouvement politique, né en 2013 après l’assassinat de l’adolescent noir Trayvon Martin par un homme blanc, fédère de plus en plus la communauté afro-américaine, qui se mobilise alors contre le racisme systémique envers les Noirs, et particulièrement contre les violences policières. Ce mouvement a occupé une place importante dans les manifestations et émeutes de l’été 2020, qui ont résulté de la mort de George Floyd, tué par un policier blanc. Face à ce phénomène, qui a pris une ampleur mondiale, Donald Trump a multiplié les provocations.
Toujours très actif sur Twitter, le Chef de l’État américain a retweeté le 28 juin une vidéo filmée dans une communauté de retraités en Floride, et dans laquelle on entendait un homme scander « white power », le cri de ralliement des suprémacistes blancs. Face au tollé suscité, son tweet a été supprimé et la Maison-Blanche a déclaré que Donald Trump «n’avait pas entendu l’expression “white power”». Le lendemain, le Président américain diffusait, de nouveau sur Twitter, la vidéo d’un couple armé mettant en joue des manifestants Black Lives Matter à Saint-Louis (Missouri). Comme à son habitude, il met le feu aux poudres, puis feint d’avoir commis une erreur. Cette attitude est-elle irréfléchie, ou est-elle machiavélique?
