Un monde de plastique
Par Clément Airault © shutterstock - Thongden Studio

« Dans la vie quotidienne, à la maison, au bureau et sur la route, les plastiques sont là et jouent un rôle essentiel de manière efficace, appropriée et peu coûteuse », s’enthousiasme sur son site internet le lobby des producteurs européens de plastique, PlasticsEurope. Le constat n’est pas faux. Les matières plastiques, qui ont été le moteur de la mondialisation, nous sont indispensables. Quel serait notre quotidien sans elles ? Sans doute serait-il moins confortable, moins technologique.
Mais aujourd’hui, « nous vivons à une époque où nous touchons plus souvent du plastique que nous ne touchons ceux que nous aimons », estiment les auteurs de l’« Atlas du plastique 2020 » (publié par la fondation écologiste allemande Heinrich Böll). L’humanité semble se rendre compte de sa dépendance au plastique, et que la planète croule sous les déchets. Les filières de recyclage ne parviennent pas à suivre le rythme de notre consommation frénétique. Plus de la moitié de tous les plastiques de la planète ont été fabriqués depuis 2005. Les mers, sols et rivières recrachent d’immenses quantités de cette matière inerte, polluante et si longue à se décomposer. Les animaux, et en particulier les poissons ingèrent des particules de plastique, contaminant les humains qui s’en nourrissent. Réduire notre production et notre consommation de plastique est un immense défi.
Quand le monde découvrait le plastique
Un siècle d’innovations
En moins d’un siècle, le monde est passé des produits naturels aux produits artificiels. L’utilisation des matières plastiques fut une révolution industrielle et sociale.
Dans l’Antiquité, les hommes se servaient de caoutchouc. Les premières utilisations du latex, en Amérique latine, remonteraient à 1600 ans avant notre ère. Le développement de matières plastiques artificielles, au XIXe siècle, a tout changé. Elles peuvent être rigides, souples, moulées à merci, et utilisables de multiples manières. C’est un matériau miracle, qui présente des propriétés introuvables dans les éléments naturels.
Le premier à en comprendre l’intérêt fut le britannique Alexander Parkes, qui en 1862 présenta lors de l’Exposition universelle de Londres la toute première matière plastique artificielle, fabriquée à partir de cellulose de végétaux. La Parkésine, comme il la nomma, connut un succès commercial mitigé. Mais ses travaux furent plus qu’une source d’inspiration pour John Wesley Hyatt, qui inventa en 1870 le Celluloïd. Celui-ci fut longtemps utilisé pour fabriquer par exemple des balles de tennis de table, et surtout des pellicules cinématographiques. Ces dernières étaient extrêmement inflammables, et causèrent plusieurs incendies dans les cinémas. En 1927, l’embrasement du Laurier Palace, à Montréal, à cause du Celluloïd, causa la mort de 77 enfants lors d’une séance de cinéma.
Une révolution industrielle
En 1907, le chimiste belgo-américain Leo Baekeland invente la Bakélite. Le procédé est révolutionnaire, puisqu’il s’agit du premier plastique industriel basé sur un polymère synthétique. Et surtout, la Bakélite « ne fond ni ne brûle », comme le vante la publicité de l’époque. Téléphones, poignées de casserole, prises électriques, cendriers : ce plastique rigide envahit le quotidien des Occidentaux. L’année suivante, le suisse Jacques Brandenberger met au point la Cellophane, souple et transparente. Les inventions se succèdent à mesure que les procédés industriels évoluent. Après le PVC en 1926, le polystyrène voit le jour en 1930. Les plastiques intéressent désormais les constructeurs.
Une découverte fait date en 1935 : celle du polyamide. Cette fibre « aussi solide que l’acier, aussi fine que la toile d’araignée, et d’un magnifique éclat » est conçue par la société américaine DuPont de Nemours. Utilisée pour fabriquer les parachutes des GI’s américains lors de la Seconde Guerre mondiale, elle sert aussi à confectionner les bas en nylon qu’ils distribuent aux jeunes femmes des pays libérés.
Avec l’invention du polytétrafluoroéthylène (PTFE, commercialisé notamment sous la marque Téflon) en 1938, l’industrie découvre un excellent isolant chimique et thermique. Si son pouvoir antiadhésif est bien connu et utilisé pour les poêles à frire (à partir des années 1960), ses propriétés intéressent aussi rapidement l’industrie militaire, et en particulier nucléaire. Alors que la Seconde Guerre mondiale débute, les matériaux plastiques tels que le silicone et le caoutchouc synthétique sont mis au service des armées. Le conflit entraîne un développement industriel et technologique de grande ampleur, qui permet après-guerre un essor mondial des matières plastiques. Avec l’arrivée du Formica en 1941, elles habillent le mobilier et envahissent les cuisines et les salons des familles occidentales. Elles sont de plus en plus utilisées dans l’habillement à partir de la découverte du polyester.
Les innovations se poursuivent au cours des décennies suivantes : polyéthylène téréphtalate (PET), polyéthylène haute densité (PE-HD), polycarbonate (PC) polypropylène (PP), etc. Le plastique trouve sa place dans tous les domaines : agriculture, emballages alimentaires, automobiles… Même les casques des astronautes de la mission Apollo 11, en 1969, sont composés de plastique.
Une industrie mondialisée
Le début du XXIe siècle coïncide avec une accélération spectaculaire de la production et de la consommation de plastique. Le monde a produit plus de plastique depuis 2000 qu’au cours des 50 années précédentes. L’essor de l’industrie mondiale ne va pas dans le sens d’une réduction de la production.
L’économie mondiale et la production de matières plastiques sont intrinsèquement liées au secteur pétrolier. Le marché est aujourd’hui détenu par quelques multinationales qui, selon l’« Atlas du plastique 2020 », « tirent notamment profit du gaz de schiste américain » (cf. encadré sur Ineos). La plus grande multinationale du secteur est sans contexte ExxonMobil, avec un chiffre d’affaires annuel de près de 211 milliards d’euros. Pour ces géants du pétrole, la réflexion actuelle ne vise pas une limitation de la production de matières plastiques, mais au contraire un accroissement rapide de cette dernière. Les entreprises du secteur projettent d’agrandir certaines unités de production et d’en construire plus de 300 supplémentaires, dans l’espoir de commercialiser 40 % de matières plastiques en plus d’ici 2025. En 2019, la production de plastique atteignait 368 millions de tonnes à l’échelle mondiale.
Avec le démarrage des nouvelles unités de polymères sur gaz de schiste aux États-Unis, la production nord-américaine (19 % de la production mondiale) dépasse celle de l’Europe (16 %, soit 59 millions de tonnes en 2019). La part de l’Europe baisse : en 2006, elle représentait encore un quart de la production mondiale, selon PlasticsEurope ; entre 2018 et 2019, sa part a reculé d’environ 6 %.
L’industrie du plastique investit aujourd’hui massivement en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. En 2019, l’Asie représentait plus de la moitié de la production mondiale, la Chine pesant à elle seule près du tiers de celle-ci. Il y a lieu de s’inquiéter, car les nouveaux sites d’implantation d’usines de plastique manquent d’infrastructures de gestion et de recyclage des déchets, en comparaison avec ceux des pays de l’hémisphère Nord.
Et en France ?
Avec un chiffre d’affaires de près de 32 milliards d’euros en 2018, l’industrie plastique française s’impose sur le marché européen. Les régions générant les revenus les plus importants sont Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Hauts-de-France et Grand Est. On les retrouve en tête du classement des régions abritant le plus de plasturgistes, entreprises et salariés (24 450 en 2017 pour la seule région Auvergne-Rhône-Alpes). Les fabricants de pneumatiques, au premier rang desquels figurent Michelin, Bridgestone et Hutchinson, sont des poids lourds du secteur sur le territoire national.
Ineos, un leader européen
Peut-être avez-vous remarqué le nom Ineos sur un maillot d’équipe cycliste, de football, sur la calandre d’une Formule 1 ou sur la voile d’un bateau lors de la Coupe de l’America, sans trop savoir ce que faisait cette société ? C’est une entreprise britannique créée en 1998 par James « Jim » Ratcliffe, un ingénieur chimiste. Avec un chiffre d’affaires annuel de 56,3 milliards d’euros, Ineos est devenue en deux décennies le numéro un du plastique en Europe.
Cette success story doit beaucoup au gaz de schiste à bas coût américain. Ineos a investi dans l’exploitation de cette matière première, extraite grâce au procédé de fracturation hydraulique. La société est principalement active en Pennsylvanie (États-Unis), où elle a débuté ses activités en 2005. Elle y exploite désormais plus de 10 000 puits. Le gaz est ensuite exporté en Europe.
L’entreprise entend développer à grande échelle la production de plastique en Europe. En 2005, elle a racheté Innovene, une filiale de BP spécialisée dans les dérivés pétroliers, capable de réaliser des opérations de craquage, et donc de synthétiser des polymères. Au fil des ans, les usines d’Ineos ont essaimé en Europe. Son site de Grangemouth (Écosse) produit des granulés de plastique et est par ailleurs le plus gros centre de stockage d’éthane sur le continent. Ineos possède également une usine de production de granulés plastiques à Rafnes (Norvège), et un centre de transformation de gaz de schiste en produits pétrochimiques à Cologne (Allemagne). À Anvers (Belgique), elle prévoit d’investir 3 milliards d’euros au cours des 20 prochaines années pour agrandir ses infrastructures et construire le premier craqueur d’éthane d’Europe. Pour Ineos, l’heure n’est donc pas à la sobriété.
Que faire de nos déchets ?
Selon le rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) publié en 2019, la pollution plastique constitue l’une des principales menaces environnementales pesant sur la planète. Comment l’humanité peut-elle réagir face au risque que représente le plastique sur le monde, et sur les générations futures ? Des plus farfelues aux plus novatrices, les idées fourmillent pour réduire son impact visible et invisible. Car si moins consommer resterait la meilleure des solutions, cela semble utopique.
À ce jour, 10 % seulement des 9,2 milliards de tonnes de matières plastiques qui ont été mises en circulation depuis les années 1950 ont été recyclées. Alors qu’en 2025, plus de 600 millions de tonnes de plastique devraient être produites dans le monde, il convient de s’interroger sur la solution à apporter, et de comprendre ce que deviennent nos déchets.
Les pays pauvres comme poubelles
Durant des décennies, environ 70 % des déchets des États-Unis ont été exportés vers la Chine. Mais en janvier 2018, le géant asiatique a décidé de fermer la porte à 24 catégories de déchets solides, dont certains plastiques et textiles. Cette mesure engagée pour des motifs écologiques a fait pâlir bon nombre de pays occidentaux, incapables de recycler leur plastique car les systèmes actuels ne permettent pas de traiter de tels volumes. L’UE exportait en 2018 la moitié de ses plastiques collectés et triés, dont 85 % vers la Chine.
Les pays de l’hémisphère Nord envoient une grande partie de leurs déchets vers des pays pauvres, notamment en Afrique, où le recyclage, pour peu qu’il existe, s’effectue dans des conditions dramatiques pour les populations et l’environnement. À titre d’exemple, la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie (Ghana) est une catastrophe pour le pays. Si les déchets plastiques finissent dans ces territoires, c’est parce que les entreprises qui utilisent du plastique dans leurs produits ou dans leurs emballages n’assument pas le coût de son recyclage. En 2018, Brent Bell, un responsable de Waste Management, premier recycleur nord-américain d’ordures ménagères, ne semblait pas s’émouvoir de l’annonce chinoise : « Nous travaillons depuis des années pour nous développer en Inde, au Vietnam, en Thaïlande, et même en Amérique latine », déclarait-il. Il existe toujours des pays plus pauvres pour accepter les déchets des plus riches.
Le choix fait par la Chine fut un électrochoc salutaire. Enfin, les Occidentaux ouvraient les yeux. « Nous devrions utiliser cette décision pour nous remettre en question et nous demander pourquoi nous, Européens, ne sommes pas capables de recycler nos propres déchets », jugeait alors le commissaire européen Frans Timmermans. Seulement 30 % des déchets plastiques des Européens étaient recyclés en 2018 (32,5 % aujourd’hui). Le reste finissant incinéré pour produire de l’énergie (39 %), ou à la décharge (31 %). L’UE a donc mis en place une stratégie pour réduire ses déchets, en premier lieu les emballages à usage unique.
Limiter les emballages
Dans les années 1990, les sacs plastiques étaient distribués gratuitement et en quantités astronomiques dans les supermarchés. Ces « sacs de caisse » finissaient dans la nature, accrochés à des branches d’arbres. Qui s’en souvient encore ? Il est devenu logique de prendre son cabas ou son sac plastique rigide pour aller faire ses courses. Si les comportements évoluent, c’est parce que des lois l’exigent. Les sacs plastiques à usage unique ont été interdits en France en 2016. Ce fut une première étape dans la lutte contre la pollution plastique, qui a contraint les usagers et les fabricants à trouver des alternatives plus écologiques, et les marques à prendre des engagements pour réduire leur empreinte plastique.
Le 27 mars 2019, le Parlement européen a adopté un projet de directive visant à interdire une série de produits en plastique (couverts et assiettes à usage unique, pailles, cotons-tiges, tiges de ballons, plastiques oxo-dégradables, récipients pour les aliments et gobelets en polystyrène expansé). Les produits concernés par cette mesure représenteraient 70 % de l’ensemble des déchets marins, selon la Commission européenne.
L’interdiction de certains articles jetables en plastique doit entrer en vigueur ce printemps 2021. Par ailleurs, la directive fixe aux États membres un objectif de collecte de 90 % des bouteilles en plastique d’ici 2029. Celles commercialisées dans l’UE devront par ailleurs contenir au moins 25 % de plastique recyclé en 2025 et au moins 30 % en 2030.
Par ailleurs, le 6 mars 2020, 14 pays européens et 40 entreprises signaient le Pacte plastique européen, impulsé par la France et les Pays-Bas. Parmi les signataires figurent des multinationales telles que Bonduelle, Unilever, Suez, Veolia ou Nestlé. Les acteurs de cette coalition public-privé s’engagent à « réduire [leurs] déchets plastique, utiliser moins de plastique dans la fabrication de [leurs] produits, et favoriser le recyclage et le réemploi ».
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Les emballages devront être mieux conçus, de façon notamment à être réutilisables lorsque cela est possible. Dans tous les cas, conformément à la directive européenne, ils devront être recyclables avant 2025. Cet objectif s’accompagne d’une réduction de l’usage du plastique vierge d’au moins 20 % en poids par rapport à 2017. De plus, les signataires promettent d’augmenter les capacités de recyclage d’au moins 25 % d’ici 2025. Enfin, il s’agira d’incorporer au moins 30 % de plastique recyclé en poids dans la gamme de produits et d’emballages des entreprises. Ce Pacte européen engage les signataires (France, Pays-Bas, Danemark, Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Portugal, Slovénie, Suède) jusqu’au 1er juin 2026. Il s’inscrit par ailleurs dans une dynamique incluant une myriade d’initiatives au niveau mondial, dont le Partenariat mondial des Nations unies sur les détritus marins (Global Partnership on Marine Litter, GPML), la Convention Basel, le Partenariat mondial d’action sur le plastique (Global Plastic Action Partnership, GPAP), l’Alliance to End Plastic Waste, ou encore la Plateforme pour l’accélération de l’économie circulaire et l’engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques de la fondation Ellen MacArthur.
L’effet coronavirus
Ces dernières années, de nombreux pays ont adopté des lois visant à réduire les déchets plastiques. Mais la crise sanitaire de la Covid-19 a mis un frein à ce bel élan.
Dans les hôpitaux, le plastique est un élément indispensable entrant dans la composition des équipements de protection individuelle dédiés au personnel soignant. Les masques FFP2 contiennent un matériau filtrant constitué d’un enchevêtrement de fibres plastiques qui retient les virus. En plus des masques, les gants, les blouses imperméables, les lunettes, visières et écrans protecteurs pour le visage sont également faits de plastique. Ce matériau est aussi présent dans de nombreux objets du matériel médical, comme les respirateurs et les ventilateurs, les seringues, les tubes médicaux en PVC, les poches de sang, etc.
En 2020, le volume des déchets médicaux non recyclables a augmenté de façon exponentielle. Leur incinération est nécessaire et entraîne une augmentation des gaz à effet de serre et des émissions de composés cancérigènes comme les dioxines.
Usage unique
En parallèle des hôpitaux, la pandémie a modifié nos habitudes. Alors que la tendance pré-Covid-19 indiquait une propension des populations à réduire leurs déchets, nous utilisons aujourd’hui de grandes quantités d’objets en plastique à usage unique, comme les masques et les gants, mais aussi les gels hydroalcooliques ou les lingettes désinfectantes. Aucun de ces équipements n’est recyclé. La crise sanitaire a également entraîné une intensification de la consommation de plastiques jetables, tels les bouteilles d’eau, les sacs non réutilisables ou les emballages de nourriture. Cette hausse peut s’expliquer par l’augmentation des livraisons à domicile. Et par crainte du coronavirus, toute matière plastique est aussitôt jetée. Dans un article paru sur le site internet The Conversation, la chercheuse Ethel Eljarrat estimait en mai 2020 que « depuis le début de l’état d’urgence en Espagne, la collecte de déchets a[vait] augmenté de 15 % dans les poubelles jaunes », qui réceptionnent le plastique et le métal.
La France produit depuis décembre 100 millions de masques à usage unique par semaine. Qu’en est-il de l’impact environnemental ? Selon l’association Zero Waste France, qui promeut le « zéro déchet », une consommation quotidienne de deux masques jetables par personne représente environ 400 tonnes de déchets plastiques tous les jours. Si la grande majorité des masques sont jetés et incinérés, quelques entreprises françaises ont choisi de les recycler, comme Cosmolys ou Plaxtil. Le processus de traitement reste cependant long et coûteux. La crise sanitaire, qui risque de durer, a fait reculer de manière drastique les efforts engagés ces dernières années pour lutter contre la pollution plastique et réduire les déchets.
Un marché en tension
Dès le début de la pandémie, la demande mondiale en produits plastiques a explosé. Fin février 2021, de nouveaux besoins apparaissaient. Avec la multiplication des tests Covid et les stratégies vaccinales mises en place par les différents États, les matières plastiques médicales indispensables à la conservation, au transport et à l’analyse des prélèvements étaient au bord de la rupture de stock. Dans un communiqué publié le 28 janvier, le syndicat français de la plasturgie décrivait un état de « pénurie ». Pour les entreprises de transformation, faute de matière première, il devenait difficile de maintenir la production. Le site internet spécialisé Hospimedia rapportait fin janvier que l’AP-HP s’inquiétait de la pénurie existant dans les laboratoires de biologie pour plusieurs matériels indispensables à la réalisation des tests PCR de dépistage. Pour Moïra Tourneur, de Zero Waste France, « les industriels du plastique ont fait du lobbying pour persuader les consommateurs que le plastique était hygiénique, alors que le Covid-19 reste plusieurs jours sur cette surface ». La crise sanitaire devrait donc, selon l’association environnementale, nous pousser à réfléchir à de nouveaux systèmes de protection.
Bioplastiques : une fausse bonne idée ?
Selon les estimations, 40 % environ des produits plastiques sont jetés au bout de moins d’un mois. Les rendre solubles dans la nature pourrait résoudre tous les problèmes.
Le terme « bioplastique » désigne des matériaux de deux types. Il s’agit, d’une part, de matières plastiques biosourcées (issues de la biomasse), et d’autre part, de matières plastiques biodégradables (ou compostables), y compris si elles sont issues de ressources fossiles. Certains bioplastiques présentent les deux caractéristiques, étant biosourcés et biodégradables. Les plastiques biodégradables se dégradent grâce à des micro-organismes présents dans l’air, se transformant en dioxyde de carbone, en méthane, et en biomasse dans certaines conditions spécifiques. Pour orienter les consommateurs dans leur prise de décision concernant leurs achats et leur donner confiance dans le caractère biodégradable d’un plastique, des normes universelles ont été mises en place, des nouveaux matériaux ont été développés et un logo compostable a été créé.
En France, afin de réduire les emballages, la Convention citoyenne pour le climat a proposé en juin 2020 de favoriser les emballages biosourcés compostables. Si cette proposition a été refusée dans la future loi climat, l’État français élabore actuellement un 4e Programme d’investissements d’avenir (PIA4), dédié aux « produits biosourcés, aux biotechnologies et aux carburants durables ».
Mais faut-il vraiment avoir confiance dans le pouvoir compostable du bioplastique ? Selon les industriels, les plastiques compostables sont dégradés en moins d’un an, dans un composteur, sans aucun résidu ni toxicité. Mais le bioplastique, qu’il soit synthétisé à partir de la biomasse ou du pétrole, reste une résine plastique, composée à partir de polymères, dont la dégradation peut poser problème. De récentes études ont prouvé que les plastiques biodégradables se dégradent beaucoup moins bien en milieu naturel qu’en laboratoire. S’ils sont enterrés ou jetés à la mer, les conditions de leur dégradation ne sont pas optimales. Il convient donc de ne jamais abandonner des sacs en bioplastique dans la nature. Par ailleurs, du point de vue des changements de mentalité, les bioplastiques posent question : on tend à oublier qu’utiliser des produits jetables, même en bioplastique, reste un énorme gaspillage.
Pour les industriels, les bioplastiques s’inscrivent dans une stratégie de verdissement des marques. À titre d’exemple, Andros a lancé ses gourdes recyclables et le confiseur Haribo se félicite de son sachet éco-rechargeable recyclable.